reparu au Walnut. Aurait-elle, de l'extérieur, suivi elle aussi les péripéties de ce kidnapping et, terrorisée à l'idée de subir le même sort, aurait-elle décidé de se cacher ? Retenant cette hypothèse, la police lançait un appel à Irina Taganova en lui enjoignant de venir sans délai se mettre sous sa protection.

Harry Forrest abandonna sur la table du living les journaux qu'il venait de lire ; il se promettait de débrancher le circuit d'émission installé dans la salle du Verdugo Motel où, cet après-midi, se déroulerait la conférence de presse clôturant la convention. Il ne faisait, en effet, aucun doute que la police resterait à l'écoute du fameux récepteur trouvé au Walnut, et ce, sur la longueur d'onde indiquée par l'aiguille du cadran !

Depuis la salle de bains lui parvint la voix de Monica Rimbaldi, venue dès neuf heures du matin pour exercer ses talents d'artiste capillaire « amateur » sur la personne d'Irina Taganova !

— Tu peux venir, Harry, l'opération — sans douleur — est terminée.

Il resta sur le seuil de la salle de bains à admirer l'étonnante métamorphose de la jeune femme qui venait de quitter le casque-séchoir. Ses longues mèches blondes n'étaient plus qu'un souvenir, éparpillées sur le carrelage. Parée d'une chevelure courte et bouclée, d'une teinte aile de corbeau, elle était différente, bien sûr, mais aussi séduisante qu'auparavant. Elle était avant tout devenue : une autre femme.

— Comment me trouves-tu, Harry ? demanda-t-elle avec un peu d'appréhension. Je suis... affreuse, n'est-ce pas ?

— Affreusement... jolie, sourit-il en s'approchant pour l'entourer de ses bras et caressant ses courtes mèches brunes. Tu n'es pas jolie, Irina, tu es belle...

Dans la glace, il vit Monica s'éclipser comiquement sur la pointe des pieds et l'interpella en riant :

— Tu n'es pas de trop, Monica ! Explique-moi plutôt comment tu as pu réaliser cette prouesse ? Tu n'es pas coiffeuse, que je sache ?

— Mes parents possédaient à Milan un institut de beauté ; cela m'amusait, parfois, de me mêler aux employées et d'enfiler la blouse blanche. J'ai pu acquérir ainsi quelques rudiments et...

On sonna à la porte palière, deux coups brefs suivis d'un long. Harry Forrest alla ouvrir. Raymond Dorval entra, son attaché-case d'une main et, sous son bras gauche, serrant un gros sac de papier kraft rempli de provisions.

— Voilà le ravitaillement ! lança-t-il avant de s'arrêter, interloqué, devant la jeune Russe. Harry avait raison, Irina : vous êtes aussi ravissante en brune que vous l'étiez en blonde. Mais, sapristi, quel changement ! Je suis sûr qu'avec des lunettes de soleil, vous pourrez sortir sans crainte d'être reconnue !

— Je suis heureux de te l'entendre dire, Ray, déclara Forrest. Irina pourra donc venir, cet après-midi, à notre conférence de presse, mais elle restera dans les coulisses.

— Sage précaution, car la salle sera bourrée de journalistes, photographes et cameramen, approuva le Français. Même après sa métamorphose, il est plus prudent qu'on ne la photographie pas.

 

*

 

Derrière le rideau de scène — que la jeune Russe, assise dans les coulisses, allait devoir manœuvrer

— Harry Forrest, Monica, Dorval et divers représentants étrangers des groupes d'études ufologiques étaient prêts à affronter la meute des journalistes ; ceux-ci occupaient les dix premières rangées de la vaste salle, archi-comble pour cette journée de clôture de l’International U.F.O's Groups Convention.

Par l'entrebâillement, l'Américain épia l'assistance ; il s'apprêtait à donner l'ordre d'ouvrir le rideau lorsque, surgissant de la petite porte latérale qui donnait sur les coulisses, Bill Howard fit de grands gestes pour l'appeler. Comprenant qu'il ne désirait pas parler à portée des multiples micros, installés sur la table par les radio-reporters, Forrest le rejoignit dans les coulisses, imité par Dorval et Monica.

— Un pépin, Harry, et de taille ! chuchota le secrétaire de la Convention. Dans un instant, tu iras regarder, par la fente du rideau, le premier rang des journalistes. A chaque extrémité de cette rangée-là, tu verras un cameraman... équipé d'une caméra dont le câble de connexion est fixé à...

— Merde ! s'exclama Dorval. Tu veux dire que ces opérateurs...

— Sont cameramen comme je suis pape ! grinça Bill Howard. Ce sont des types du 54/12 ! Et là où ils se sont placés, ils sont vraiment aux premières loges pour vous descendre... tout naturellement en feignant de filmer votre Comité, aligné comme des cibles dans un stand de tir !

Le Français réfléchit rapidement puis, après un coup d'œil à son attaché-case laissé sur la table de conférence, il demanda :

— Bill, tu as dû cocher leurs noms, au passage, quand ils sont arrivés, puisque tu contrôlais les invitations ?

— C'est bien ce que j'ai fait, Ray, confirmat-il en sortant de sa poche la liste des invités. Voilà, je les ai soulignés en rouge : l'un s'appelle Wilcox, du New York Herald et l'autre Scott, du Washington Post.

Dorval posa son regard sur Forrest. Un regard devenu froid, calculateur, que n'eussent point aimé les hommes du 54/12 !

— Harry, tu sais ce que ces hommes sont venus faire, n'est-ce pas ?

— Un peu ! Un panoramique sur la scène avec leur caméra et nous passerons pour avoir été frappés simultanément par une crise cardiaque !

Monica et Irina ne purent réprimer un frisson d'angoisse.

— Bill, ajouta Dorval, il n'y a pas une minute à perdre. Il faut que tu suives très exactement mes instructions. Tout d'abord, les deux gars qui t'ont aidé à contrôler les entrées, ce sont des amis sûrs, je suppose ?

— Tout à fait sûrs, Ray. Dean et Alan, de surcroît, ont des biceps !

— Bon. Va leur dire d'aller se poster à l'entrée du parking où Monica ira les rejoindre. Ensuite, voilà ce que tu vas faire...

 

*

 

Cinq minutes plus tard, du fond de la salle et d'une voix de stentor pour dominer le brouhaha des spectateurs qui s'impatientaient, Bill Howard annonça, en consultant une petite feuille de bloc-notes :

— Messieurs Scott et Wilcox du New York Herald et du Washington Post, sont priés d'aller immédiatement changer de place leurs véhicules, au parking. Je répète : messieurs Scott et Wilcox...

Dès le premier appel, les deux pseudo-journalistes s'étaient levés, en bougonnant, pour aller déplacer leurs voitures...

Par l'entrebâillement de la porte latérale donnant accès aux coulisses, Dorval, muni de la caméra confisquée la veille au tueur qui avait tenté de l'abattre, observait l'immense parking. A gauche, dans le jardin du motel, les tables à parasols étaient pratiquement désertes. Au-delà, à l'entrée du parking, il apercevait à travers la haie de troènes les silhouettes de Monica et des deux hommes

— Dean et Alan — postés là par Howard.

Le Français ne tarda pas à voir paraître les deux agents du Groupe 54/12 qui se hâtaient vers leurs voitures, sans accorder la moindre attention à la jeune femme qui bavardait en riant avec ses compagnons. L'œil collé à l'oculaire de la caméra, Dorval cadra soigneusement les pseudo-journalistes et pressa le bouton du déclencheur. Un léger ronronnement prit naissance, dans la caméra et le faisceau d'infra-sons faucha les deux « cibles » qui s'écroulèrent... terrassées par une crise cardiaque ! Aussitôt, mais non sans s'être assuré qu'aucun gêneur ne se trouvait dans les parages, la jeune Italienne et ses compagnons se dirigèrent vers la rangée de véhicules entre lesquels les agents du 54/12 s'étaient effondrés.

Quelques instants plus tard, Monica, assez pâle, retournait dans les coulisses et se blottissait contre la poitrine de Dorval en murmurant, d'une voix altérée par l'émotion :

— J'ai eu une peur affreuse, Ray !

Il la sentit frissonner, trembler dans ses bras et, pour la première fois, ils échangèrent un baiser.

Pendant une minute, Dorval oublia tout, humant la fragrance de Bellodgia qui s'harmonisait parfaitement avec la chaude carnation de la jeune femme.

— Tu ne crains plus rien, mon chou... Nous non plus ne craignons plus rien. Et les caméras ?

— Récupérées. Pendant que je revenais ici, Dean et Alan sont allés les déposer sous le siège arrière de la voiture de Forrest. Normalement, on ne devrait trouver les corps des deux tueurs qu'après la conférence de presse, quand les gens iront chercher au parking leurs véhicules.

» Oh ! Ray, soupira-t-elle en se serrant contre lui, cette menace, ces tueries, cesseront-elles un jour ?

— Je ne suis pas prophète, Monica, mais une chose est certaine : nous avons atteint le point de non-retour ! La lutte est ouverte, entre nous et le Groupe 54/12. Une lutte sans merci, désormais...

 

*

 

La conférence de presse — avec un certain retard, sinon un retard certain — put enfin commencer. Ainsi qu'il fallait s'y attendre, la plupart des questions des journalistes portaient sur l'extraordinaire série d'enlèvement survenus non seulement à Los Angeles et New York, mais aussi dans le monde. De fait, depuis quarante-huit heures, la presse, la radio et la télévision de tous les pays consacraient une place de choix à ces enlèvements ou disparitions, qui coïncidaient avec des tremblements de terre enregistrés un peu partout, mais principalement en Californie.

Que répondre ? Comment expliquer les raisons de ces kidnappings spectaculaires perpétrés par des Extra-Terrestres dont les buts demeuraient inconnus ? Forrest évoqua l'hypothèse suivante, sans grande conviction, toutefois : les occupants des O.V.N.I., peut-être à la veille d'une prise de contact officielle, s'étaient emparé de ces hommes de science, de ces célébrités diverses touchant aux religions, à la littérature, à la peinture, à la technologie, pour parfaire leurs connaissances sur le peuple terrien ? Peut-être aussi pour faire de ces hommes leurs ambassadeurs, afin de faciliter justement l'établissement de ce contact ?

Dans l'assistance, un bras se leva, s'agita, puis son propriétaire se dressa tout d'une pièce pour crier :

— Je demande la parole !

Les journalistes se retournèrent puis, reconnaissant dans l'interpellé l'ennemi juré des ufologues, ils le mitraillèrent à coups de flashes.

— Vous l'avez, docteur Jokerst, répondit le président de la Convention avec un soupir peu élogieux que retransmit fidèlement son micro !

La mine invariablement courroucée, le météorologiste proclama avec une emphase un tantinet grotesque :

— Puisque dans cette salle souffle l'esprit de déraison, qu'il me soit permis de faire entendre, au moins une fois, la voix de la raison ! Je vous en conjure, messieurs de la presse, ne vous laissez pas impressionner par certaines imaginations délirantes. Soit, j'admets que des savants ont été enlevés, ici à Los Angeles comme ailleurs. Mais de là à en conclure qu'ils ont été ravis par des Extra-Terrestres, il y a une marge qu'un cerveau équilibré ne saurait franchir !

Une dame distinguée, près de lui, le toisa avec indignation :

— Des milliers de personnes ont observé une escadrille de disques volants, sur Los Angeles et l'autre nuit, monsieur, j'étais moi-même sur mon balcon ! J'ai vu, de mes yeux vu, l'un de ces disques se poser sur le toit du Walnut-Hôtel et...

— Permettez, madame ! fit le météorologiste. Vous et bien d'autres personnes avez vu, en effet, quelque chose qui ressemblait à un appareil discoïdal. Soit. Mais rien ne vous autorise à affirmer qu'il s'agissait d'un astronef venu d'outre-ciel. Cela pouvait être aussi bien un prototype secret, lancé par une puissance étrangère et qui, se jouant des réseaux-radars de détection, serait parvenu à survoler impunément le territoire américain pour y perpétrer ces forfaits.

Harry Forrest leva la main à son tour :

— Laissez-moi vous répondre, docteur Jokerst. Si, véritablement, des appareils ou prototypes secrets étrangers avaient pu se livrer à ces enlèvements en série, nous pouvons tenir pour assuré que le responsable de la Sécurité de notre pays aurait été convoqué sans retard par le Président ! Or, le chef du Pentagone, que je sache, n'a pas été convoqué à la Maison-Blanche pour s'entendre dire des paroles bien senties ! Pas plus, d'ailleurs, qu'à aucun moment, durant les trente-cinq ans écoulés, Moscou ni Washington n'ont échangé des notes de protestation pour s'accuser réciproquement d'avoir violé leur espace aérien avec des U.F.O's !

» L'énormité de votre hypothèse et l'indigence de vos théories, docteur Jokerst, m'obligent à vous conseiller de ne plus interrompre les débats. Les événements que nous vivons sont bien trop graves pour que nous perdions du temps à écouter des arguments tout juste bons à satisfaire les imbéciles !

L'irascible météorologiste ouvrit la bouche pour vitupérer, mais il n'émit qu'un gargouillis bizarre tandis qu'une intense stupeur se peignait sur son visage. Dans la salle, des cris, des exclamations s'élevèrent qui n'avaient point pour cause l'incident. Tous les regards convergeaient vers une sorte d'énorme bulle lumineuse qui venait d'apparaître surgie du néant ! D'une blancheur diaphane, elle vira au vert émeraude et, en son milieu, graduellement, se forma une silhouette humaine. Celle-ci s'opacifia, prit de la densité et se condensa sous les traits du professeur Hammerstein !

Le public s'était levé d'un bond à l'apparition du savant, dont la photographie avait été publiée, dans tous les journaux du monde, au lendemain de son enlèvement. Sa silhouette était fort nette, sa physionomie parfaitement reconnaissable, mais son corps demeurait assez flou.

Le savant se tourna vers Forrest et ses compagnons, leur sourit et reporta ensuite son attention sur l'assistance. Lorsqu'il parla, sa voix parvint à l'auditoire comme à travers un tunnel, réverbérée, altérée par d'étranges harmoniques :

— Mes amis, c'est mon image holographique que vous percevez, mais non pas mon corps, lequel se trouve présentement à bord d'un astronef stationnaire dans l'ionosphère, à la verticale de Los Angeles. A l'intention des représentants de la presse, je tiens d'abord à préciser que mes compagnons et moi-même avons été traités en invités et non point en victimes ou captifs, par ceux qui nous ont enlevé. Ces êtres ne nous veulent aucun mal, bien au contraire ; mais, aujourd'hui, parler d'eux n'est pas mon propos.

» J'ai le devoir de dénoncer à la presse et par-là au peuple tout entier les agissements du Groupe Spécial 54/12, une organisation redoutable, devenue autonome et n'obéissant plus depuis longtemps à la Présidence de ce pays. Ses membres sont inconnus des Services secrets et nous ignorons pour l'instant les buts qu'ils poursuivent en assassinant, comme ils l'ont souvent déjà fait, des spécialistes en ufologie. Obéissent-ils à une synarchie ? Sont-ils à la solde de certains trusts pour qui la venue sur la Terre des Extra-Terrestres mettrait fin à leurs monopoles, à l'exploitation de l'homme par l'homme, aux systèmes économiques aberrants qui sont les nôtres ?

» Peu importe, pour l'instant : ces tueurs existent et nous nous efforçons de les démasquer pour les exécuter avec leurs propres armes chaque fois que nous le pouvons. C'est ce que nous avons fait, il n'y a pas une heure, dans le parking de ce motel...

Forrest, Dorval et Monica accusèrent le coup mais surent rester impassibles en apprenant ainsi que les Extra-Terrestres avaient suivi leurs faits et gestes ! Soucieux de les « blanchir », ils avaient trouvé cet astucieux stratagème qui consistait à s'accuser eux-mêmes de cette double exécution !

Dans son étrange « bulle » transparente, le professeur Hammerstein poursuivit en esquissant un sourire :

— Je dis « nous », machinalement, en identifiant mes compagnons et moi-même à nos amis extra-terrestres qui nous ont enlevés. Mais n'étions-nous pas déjà leurs alliés, avant même de les connaître, nous qui avions formé ce Collège invisible dont l'existence était connue des ufologues du monde entier, mais farouchement niée par les scientifiques à vue courte ou de mauvaise foi ? Au nom de ce Collège invisible, je lance un pressant appel à tous les Terriens pour que, le cas échéant, ils prêtent aide et assistance à toute personne qui, traquée par les agents du 54/12, aurait besoin d'être secourue, cachée, arrachée à leurs griffes. C'est là un devoir sacré qui touche d'ailleurs au salut de l'humanité !

Le ton pathétique du professeur Hammerstein impressionna profondément l'assistance et nombre de journalistes le harcelèrent de questions.

Le savant secoua la tête avec une expression navrée :

— Non, mes amis ; si je puis vous voir, je ne puis, en revanche, vous entendre. Pour l'heure, je dois me borner à vous révéler uniquement ce que j'ai pour mission de vous révéler.

» Je vous demande, messieurs les journalistes, d'informer nos familles et nos proches : nous sommes tous en excellente santé et heureux, parmi nos amis extra-terrestres. Nous ignorons combien de temps encore nous resterons auprès d'eux. Et j'ose espérer que vos articles, vos reportages filmés seront traduits, repris en Russie afin que les parents et amis de notre jeune collègue Irina Taganova soient eux aussi rassurés sur son sort depuis sa disparition...

Dans les coulisses, la géophysicienne resta bouche bée, puis elle rit en silence : cette déclaration du professeur Hammerstein allait ipso facto mettre fin aux recherches de la police et des Services secrets à son endroit ! Persuadés qu'elle avait été à son tour kidnappée, ces services la laisseraient en paix !

— J'ai dit tout à l'heure, poursuivit le professeur Hammerstein, que nous avons repéré et abattu deux hommes du Groupe 54/12 avec leurs propres armes. Dissimulées dans des caméras connectées à un générateur énergétique, ces armes expulsent un flux d'ultra-sons qui bloquent net le muscle cardiaque en provoquant des lésions irréversibles ; des microlésions des fibres musculaires, très difficilement décelables à l'autopsie et qui font conclure à un infarctus du myocarde. L'arme idéale pour commettre des crimes parfaits !

Il fit une courte pause et rappela :

— Messieurs les journalistes, j'insiste particulièrement sur la nécessité de dénoncer les agissements du Groupe 54/12 et vous demande de ne point prêter l'oreille aux divagations des prétendus savants qui combattent les ufologues et étouffent la vérité...

» Adieu... Ou au revoir, peut-être ?

Sous les regards de la foule, silencieuse et émue, la silhouette du professeur Hammerstein perdit de sa consistance, devint floue et, graduellement, la bulle immatérielle qui l'enveloppait se dilua, s'évanouit, retourna au néant.

Harry Forrest se leva, aussi bouleversé que ses compagnons :

— Mesdames, messieurs, que pourrions-nous ajouter après ce qui vient d'être dit par le professeur Hammerstein ?... Ou plutôt, par son image tridimensionnelle projetée depuis un astronef stationnaire dans l'ionosphère ?

Au fond de la salle, Bill Howard fit une entrée précipitée et courut vers les premiers rangs pour annoncer aux journalistes :

— Nous sommes allés vérifier les dires du professeur : il y a effectivement deux cadavres, dans l'une des allées du parking ! J'ai reconnu en eux Scott et Wilcox, vos collègues du New York Herald et du Washington Post. En début de séance, je les avais justement appelés après qu'un homme fut venu, en courant, m'apporter une note griffonnée avec leurs noms, sous le prétexte que leurs voitures étaient mal garées, au parking... Nous avons également cherché cet homme, mais en vain.

En bon comédien qu'il était, Bill Howard reprit son souffle et ajouta :

— On peut dire que le coup des Extra-Terrestres était bien monté !

— Cet homme, interrogea un journaliste, était-il normal ?

— Comment ça, normal ? s'étonna candidement Howard.

— Eh bien, oui, quoi ! Rien ne vous a frappé, dans son physique par exemple, ou dans sa voix, son accent ?

Le secrétaire de la convention se gratta l'occiput et confessa :

— A bien réfléchir, j'avoue qu'un détail en lui m'a étonné. Quand il m'a tendu ce billet griffonné, j'ai remarqué que sa main était curieusement velue. Il était aussi très essoufflé ; c'était peut-être d'avoir couru, mais cela pourrait aussi bien traduire une certaine difficulté à respirer... notre atmosphère...

Après avoir entendu ces déclarations — hautement fantaisistes ! — les journalistes se ruèrent hors de la salle en cogitant déjà la manchette de leurs papiers qui pouvait se traduire ainsi : Un Extra-Terrestre aux mains velues abat à Los Angeles deux agents du Groupe 54/12 !